Photojournalisme, entre information et mise en scène : Lorsque la recherche de l’émotion déforme les faits

déc 05, 2019

Roger Job, photoreporter Paris Match, Newsweek, Géo, Le monde (Belgique) - Harandane Dicko, Photoreporter (Mali) - Josephine Abomo, Photo reporter Cameroun Tribune (Cameroun) - Colin Delfosse, photo-reporter, Le Monde, New York Times…, (Belgique)
Modérateur : Jean Claude Allanic, Journaliste TV, ancien médiateur de France3 (France) Rapporteur : Mehdi KHELFAT – Responsable éditorial « monde » RTBF (Belgique)

Par Mehdi Khelfat, responsable éditorial « Monde », RTBF (Belgique)

Au cœur du débat, les photojournalistes comme témoins de notre époque.

Un photojournaliste prend des photos pour raconter des histoires vraies au cœur de l’évènement. C’est un transmetteur qui permet de mieux comprendre le monde. Une bonne photo explique les choses.

Une photo doit réunir 2 personnes :
• Celui qui fait la photo
• Le récepteur de la photo

Elle doit faire apparaitre les choses que l’on ne voit pas/ le photographe chasse sans tuer, et au lieu d’un mort, on fait un éternel.

Une photo doit permettre de penser juste ! C’est aussi un moyen de faire réagir. Mais difficile face à la surabondance d’images.

Une photo peut-elle bouleverser le cours des choses ?

Une certitude, une photo reste. Ne pas faire ces photos qui peuvent servir serait un abandon de poste.

« Quand on me dit ma photo est belle, je m’en fous ! J’aime quand ma photo fait réagir. Mais attention, texte et image doivent faire l’amour pour faire de beaux enfants » Roger Job

« Au Cameroun, la démarche est singulière : on se concentre sur un fait. La presse écrite est un vrai canal de diffusion. Mais ce qui réduit dans notre façon de nous exprimer par la photographie, c’est l’écriture de l’histoire ensuite par la rédaction » Joséphine Abomo

La grosse difficulté partagée par l’ensemble du panel, c’est de se faire déposséder de son travail. Que l’on interprète différemment les photos. Souvent, le travail n’est pas décrypté.

Les photos commandées

© Philippe Cortes

Face à la baisse des revenus de la presse liée au contexte économique, certains photojournalistes doivent proposer leurs services à d’autres structures qui ont bien compris le langage photographique. Que la photo est une formidable manière de communiquer (mais pas d’informer) pour les ONG et les organismes liés à l’ONU. Les photojournalistes ont besoin de vivre de leur métier, mais certains organismes font appel à de la mise en scène, limite à de la propagande. Le journaliste perd droit aux images. On profite de la vulnérabilité financière (matériel et voyages chers) de certains photojournalistes pour leur donner des contraintes hors des critères de la déontologie.
Les photographes doivent individuellement se fixer leurs propres limites !
Il faut éviter les zoos humains. Pour une ONG, une bonne photo peut beaucoup rapporter mais attention au droit à l’image ! Les enfants africains et occidentaux ont-ils les mêmes droits en la matière ?

Expliquer le monde

Il y a le problème économique mais aussi un énorme problème éditorial. Le métier évolue de la même manière que la société, vers une « fastfoodisation » : « les vendeurs de papier veulent servir des choses faciles au public ».
Mais on doit expliquer les choses par la photo, des choses complexes. La situation en Syrie est compliquée et une photo seule ne peut pas expliquer la complexité du monde. Pour certains, la photo est une illustration alors qu’elle est un langage en propre et qu’elle s’appuie sur le reste du travail journalistique réalisé par la publication. Aujourd’hui souvent, on utilise les photos comme un torrent qui ne veut plus rien dire. Il faut respecter la parole du photojournaliste. Il faut se battre pour une information de qualité.

Mehdi Khelfat