« Musellement » de la presse: des journalistes guinéens organisent la résistance

oct 03, 2019

Après un sit-in réussi devant la haute autorité de la communication (HAC), les organisations professionnelles des medias envisagent de nouvelles actions d’envergures pour attirer l’attention des autorités judicaires sur les abus dont les journalistes sont victimes ces derniers temps en Guinée.
Ce mouvement de protestation s’est organisé suite à l’interpellation et mise sous contrôle judiciaire de deux journalistes du pays. L'administrateur du groupe de presse Le Lynx, Souleymane Diallo, et un journaliste de la radio du même groupe, Boubacar Diallo, ont été inculpés de diffamation et placés sous contrôle judiciaire respectivement le 19 et le 20 août à Conakry. Contrôle judiciaire finalement levé le 27 août. Ces poursuites font suite à une intervention sur la radio Lynx FM d'une auditrice accusant le ministre guinéen de la Défense, Mohamed Diané, d'avoir détourné de l'argent destiné à des casques bleus guinéens de la Mission de l'ONU au Mali (Minusma).

Souleymane Diallo, "doyen de la presse privée", "est poursuivi notamment pour diffusion de données de nature à troubler la sécurité publique par le biais d'un système informatique", rapporte RFI. "La plainte déposée s'appuie sur la loi sur la cybercriminalité et non pas sur la loi de la presse de 2010, ce que dénoncent les journalistes qui rappellent que cette loi dépénalise les délits de presse", précise le site de la radio française. Après leur sit-in, les organisations professionnelles de Guinée, dont la section nationale de l’UPF ont fait la déclaration suivante :
« C’est avec regret et frustration que nous constatons le maintien en toute impunité de la mise sous contrôle judiciaire de Aboubakr, directeur général de la radio lynx fm par un juge du tribunal de première instance de kaloum, ce cas s’ajoute à celui de Lansana Camara, Directeur de publication du site conakrylive.info, également sous contrôle judiciaire sans oublier le procès en cours de Mohamed Bangoura, Directeur de publication du site mosaiqueguinee.com etc.

Les organisations professionnelles de médias en Guinée rappellent que nul n’est censé ignorer la loi et à une loi injuste, nul n’est censé obéir. Fortes de ces deux principes généraux en matière de droit, les organisations professionnelles de médias en Guinée disent non à cette violation flagrante et ce piétinement de la loi 002 portant liberté de la presse en Guinée.
Il convient d’ailleurs de rappeler à l’intention de l’opinion nationale et internationale que suite à plusieurs investigations menées par nos soins, il ne fait plus l’ombre d’aucun doute quant à la non publication dans le journal officiel de la République de la loi 037 portant cyber-sécurité et protection des données à caractère personnel d’où sa nullité et son inopposabilité face aux citoyens. Ceci nous ramène de facto à une double violation de la loi puisque celle portant sur la liberté de la presse en est également victime de la part du même juge et du même tribunal. A cet effet, nous comptons saisir le conseil supérieur de la magistrature par une plainte régulière en bonne et due forme avant d’interpeler la cour suprême à travers sa chambre administrative pour le fait de nullité de cet acte du juge d’instruction.

A ce stade, nous pensons que l’opinion a grand besoin de connaitre l’identité de ces juges qui se prêtent à ces pratiques liberticides et rétrogrades.
En conclusion, les organisations professionnelles de médias en Guinée informent l’opinion qu’elles s’opposeront de la manière la plus catégorique dès ce mercredi à cette injustice qui n’a que trop durée.
Elles invitent toutes la presse nationale à se présenter ce mercredi dès 8h00 au tribunal de première instance de kaloum pour venir signer l’acte de présence car, dorénavant, nous serons tous sous contrôle judiciaire. Que les registres soient donc nombreux et spacieux, il y aura beaucoup de signatures.
La presse mérite mieux !!! »
Signataires : URTELGUI, AGUIPEL, AGEPI, REMIGUI, APAC, SPPG, UPLG, UFSIG, AJPRG, UPF