Jeunes ambassadeurs de la Francophonie: expérience «transformatrice»

aoû 11, 2022

Le Forum des jeunes ambassadeurs de la francophonie des Amériques est l’un des programmes phares du Centre de la francophonie des Amériques dont l’objectif principal est d’offrir une formation de haut niveau axée sur le leadeurship et l’identité.

Venant d’une dizaine de pays et territoires des Amériques, 50 jeunes adultes sont réunis à l’Université Saint-Paul, à Ottawa, du 8 au 13 août, pour le 6e Forum des jeunes ambassadeurs de la Francophonie des Amériques, une formation sur le leadership et l’innovation sociale. L’idée est de former des citoyen·ne·s engagés, en plus de nouer des liens dans la francophonie.

En première conférence du Forum, l’historien et auteur Jean-Louis Roy s’est penché sur la décolonisation, un processus auquel n’échappe pas la francophonie.

D’où on vient, où on va

Pour Sylvain Lavoie, le directeur du Centre de la francophonie des Amériques (CFA), qui organise l’évènement, la question est de savoir «de quelle façon maintenant, nous, on se voit?»

«Il faut prendre acte d’où on vient, se demander quelle est notre place maintenant et quelle place on souhaite occuper dans l’avenir», propose-t-il en marge de la conférence d’ouverture.

«J’espère que nos jeunes ambassadeurs vont repartir chez eux avec plein d’idées, plein de contacts, plein d’énergie et ressourcés pour poursuivre ce qu’ils sont déjà, c’est-à-dire des leaders dans leurs communautés, avec des outils et un réseau pour pouvoir agir davantage», souffle l’Acadien en poste depuis octobre 2020.

Sensibilisation et motivation

Le participant Andrik Risso, qui avait assisté à l’édition 2014 du Forum à Winnipeg, au Manitoba, raconte que «ç’a été vraiment une expérience transformatrice, ç’a complètement changé ma vie».

Il revient au Forum en tant que chef de famille, pour encadrer les nouveaux participants. Il explique être retourné chez lui, au Brésil, avec une vision du monde «élargie» et un nouveau regard sur la francophonie des Amériques.

«Je suis revenu au Brésil plus engagé, avec une sensibilisation aux communautés un peu plus ouverte. Je me sentais vraiment comme un leader, un moteur de changement! J’ai commencé à m’impliquer encore plus et j’étais bien plus motivé», assure-t-il.

Au niveau professionnel, il enseigne le français depuis plusieurs années en plus de poursuivre des études au doctorat liées à la sociolinguistique, après une maitrise en cognition et langage. «Je choisis la francophonie comme objet de travail, comme objet de recherche», souligne Andrik Risso.


Les participants de l’édition 2014 du Forum des jeunes ambassadeurs de la Francophonie des Amériques. Photo: Bryan Sanders via Facebook

Le français, un véritable avantage

Pour sa part, la Franco-Albertaine Alice Musele espère repartir du Forum avec «un paquet d’informations» et d’outils qu’elle pourra appliquer dans sa communauté.

Elle est animatrice du programme éducationnel BUCACY à l’Alliance Jeunesse-Famille de l’Alberta Society (AJFAS), dont l’objectif est d’apprendre «à nos enfants immigrants francophones âgés de 6 à 12 ans comment se comporter, comment prendre de bonnes décisions et comment bâtir des relations saines dans nos communautés».

Elle note que la communauté tente de grandir et d’élargir son offre de services, mais que les francophones de l’Alberta vivent encore «pas mal de défis».

«Je suis originaire du Congo. Quand je suis arrivée, il n’y avait que l’anglais autour de moi. J’ai même entendu une collègue dire que dans ce genre de situation, on se sent caché, on ne veut pas trop dire qu’on est francophone… On se sent un peu gêné, on ne sait pas à qui parler, on devient muet au milieu des gens et ça, ce n’est pas bon du tout», observe Alice Musele.

Ayant fréquenté une école d’immersion, elle s’est rendu compte que ses amis parlaient anglais durant les diners, et qu’elle-même ne parlait pas puisqu’elle n’était pas à l’aise dans cette langue. «À un moment, je me suis dit : “Attends, je suis dans une école qui enseigne le français, moi je connais le français, mais je ne parle pas, pourquoi? Pourquoi je dois aller chercher l’anglais coûte que coûte? Non, c’est à eux d’aller chercher le français, pas à moi d’aller chercher l’anglais!”»

Par la suite, elle a fait un baccalauréat bilingue au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta. Même si elle souligne que l’anglais est incontournable au quotidien, «en même temps on tient à cette francophonie, on veut vraiment que ça aille de l’avant parce que le français c’est un avantage!»

«À partir de ce Forum, je me dis que la francophonie albertaine a de l’espoir», conclut-elle en souriant.

Agrandir l’espace francophone

«La francophonie ce n’est pas une bibitte à part. C’est aussi la décolonisation, c’est aussi la maitrise du numérique, notamment de la gouvernance du numérique. C’est aussi les questions environnementales», a souligné le conférencier Jean-Louis Roy en conclusion de sa conférence – la première d’une série de six, toutes accessibles en ligne.

Pour Sylvain Lavoie, directeur du CFA, «c’est un peu le rôle du Centre de la francophonie de mettre en mouvement cette francophonie-là… Qu’est-ce que je peux faire dans mon quotidien, dans mon vécu pour amener le pas de plus qui va faire en sorte d’agrandir l’espace francophone encore davantage? Qu’on sera encore plus fiers de notre langue, plus fiers de cette appartenance-là à cette grande famille?»

Une réflexion qui résonne chez la marraine de la 6e édition du Forum, l’autrice-compositrice-interprète franco-ontarienne Mélissa Ouimet.

«Je suis super touchée d’être là, d’entendre ce que les gens ont à dire par rapport à leur réalité, à leur francophonie.» Son rôle est «de les accueillir chez moi et de leur raconter un peu c’est quoi les Franco-Ontariens, c’est quoi notre réalité, mais aussi d’échanger avec eux et de participer avec eux au courant de la semaine».

Apprendre la «francoresponsabilité» en six jours

«La francoresponsabilité, c’est l’affaire de tout le monde, explique Flavie-Isabelle Hade, directrice générale adjointe et directrice de la programmation du Centre de la Francophonie des Amériques (CFA). Ce n’est pas juste l’affaire de l’institutionnel, tout le monde a son rôle à jouer, que vous soyez un étudiant, que vous œuvriez au sein d’une association ou au sein d’une entreprise».

Créé par le gouvernement du Québec dans le cadre de sa Politique en matière de francophonie canadienne, le label «francoresponsable» invite à afficher sa francophonie en s’engageant activement. L’idée est d’encourager les organismes et les entreprises à l’utiliser pour promouvoir la langue et la culture à travers leurs services.

Le programme du Forum  rassemble des ateliers, des conférences, des tables rondes et des activités culturelles qui permettront aux participants de «s’outiller pour devenir des citoyens engagés dans leur milieu».

Réseautage continental

«Je vois le forum comme une occasion d’en apprendre plus sur la francophonie à travers le continent américain», précise Océane Hardouin, participante du Yukon. «J’y vais vraiment dans l’optique d’apprentissage, mais aussi de réseautage».

Pendant les six jours de l’évènement, le forum ouvrira virtuellement ses portes au public pour la présentation de conférences en ligne. «L’intention est vraiment de rendre le contenu pertinent et accessible, explique Flavie-Isabelle Hade. On pense beaucoup à tous ceux qui ont posé leur candidature et qui ne pourront pas être avec nous.»

L’évènement revêt un caractère de développement important pour Océane Hardouin. «La construction identitaire de chaque personne passe énormément par la langue. J’adore les occasions comme ce forum de pouvoir tisser des liens avec d’autres francophones et de pouvoir échanger sur les bonnes pratiques de comment mettre en valeur la francophonie, de comment inciter les jeunes à rester aussi dans le monde francophone.»

Dans le cadre de son emploi à l’Association franco-yukonaise (AFY), Océane Hardouin travaille pour la jeunesse francophone en organisant notamment des activités «pour montrer que le français n’a pas sa place seulement à l’école».

– Avec des informations et des propos recueillis par Marianne Despelteau, de Francopresse.

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