La liberté d’expression baîllonnée à Hong Kong

juin 24, 2021

L’Apple Daily, 80 000 exemplaires chaque jour, est l’un des derniers porte-voix de la démocratie à Hong Kong. Son premier exemplaire est paru en 1995, deux ans avant la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine. Au fil des ans la situation n’a fait que se dégrader. Aujourd’hui Pékin ne se cache plus : le territoire, jugé trop autonome, trop libéral, doit rentrer dans le rang et les médias faire allégeance au parti communiste.

Le 1er édito de #AppleDaily en 1995, soit deux ans avant la rétrocession de HK à la Chine. La direction du journal était si confiante : le pouvoir des lecteurs, la liberté de la presse. « sous le regard du monde entier, qui osera faire du mal à HK? » pic.twitter.com/JBztLpnaic

— Zhulin Zhang (@ZhangZhulin) June 21, 2021

La mort dans l’âme, les équipes de l’Apple Daily sont en train de faire leurs cartons. Lundi soir, la présentatrice d'un journal télévisé quotidien diffusé en ligne a dit faire sa dernière apparition. Le service d'informations financières du journal et son édition anglaise ont également annoncé qu'ils cessaient de paraître. Le dernier exemplaire paraîtra jeudi 24 juin.

Le 1er édito de #AppleDaily en 1995, soit deux ans avant la rétrocession de HK à la Chine. La direction du journal était si confiante : le pouvoir des lecteurs, la liberté de la presse. « sous le regard du monde entier, qui osera faire du mal à HK? » pic.twitter.com/JBztLpnaic

— Zhulin Zhang (@ZhangZhulin) June 21, 2021

Comment en est-on arrivé là ? Après toute une série d’arrestations et de pressions. Le patron du journal, Jimmy Lai, magnat de la presse de 73 ans et critique assumé du parti communiste, a d’abord été arrêté il y six mois pour avoir participé aux gigantesques manifestations pro-démocratie qui ont secoué Hong Kong en 2019.
Puis le 17 juin, au petit matin, une centaine de policiers ont fait irruption dans les locaux du journal pour saisir plusieurs dizaines d’ordinateurs ; cinq dirigeants et rédacteurs en chef ont arrêtés chez eux, accusés d’avoir "conspiré avec des forces étrangères".
Le même jour, les comptes bancaires du journal ont été gelés. Deux millions d’euros bloqués à la banque : impossible de payer les fournisseurs et les 1 300 employés.

Une loi pour étouffer les voix dissidentes

Ces décisions et ces arrestations ont été réalisées au nom d’une loi, la loi sur la sécurité nationale. Un texte draconien, abusif, imposé il y a un an tout juste par Pékin pour étouffer les voix dissidentes, un texte à géométrie variable à tel point que les médias ne savent plus ce qu’il est aujourd’hui interdit de dire, d’écrire ou de penser. Même acheter le journal pourrait tomber sous le coup de cette loi !

Plusieurs leaders des manifestations se sont enfuis à l’étranger ; à Hong Kong plus d’une centaine de personnes sont actuellement sous les verrous pour atteinte à la sécurité nationale. Le premier procès s’ouvre aujourd’hui : un manifestant de 24 ans comparaît pour terrorisme et incitation à la sécession. Exceptionnellement il sera jugé sans jury – alors que cela ne s’est jamais fait dans ce genre de circonstances. Décision du ministère de la justice.

Une indignation internationale sans effet

Cette loi, c’est clairement l’instrument de la reprise en main du territoire par Pékin. Après avoir déjà condamné la violence de la répression policière contre les manifestants, les États-Unis et l’ONU ont récemment demandé au pouvoir d’arrêter de s’en prendre aux médias.
Réponse ce mardi 22 juin de la cheffe de l’exécutif, Carrie Lam : on ne parle pas de travail journalistique mais de "subversion du gouvernement" et d’une atteinte à la sécurité nationale de la Chine. Dialogue impossible. Hong Kong a chuté dans le classement de Reporters sans Frontières sur la liberté de la presse (18e en 2002, 80e aujourd’hui).
Or sans liberté de la presse, Hong Kong risque de perdre son meilleur atout  qui est aussi son meilleur argument auprès des investisseurs. C’est peut-être le seul argument qui empêchera Pékin d’aller trop loin.

France info