Un bouclier éthique pour la presse francophone canadienne

déc 05, 2018

Afin de clarifier le rôle des médias canadiens en milieu minoritaire tout en les protégeant des différentes pressions, l’Association de la presse francophone (APF) a mis sur pied une charte qui rappelle les valeurs fondamentales ainsi que les rôles et responsabilités des journaux. Une charte que les 18 publications membres de l’APF devront suivre pour rester dans ce regroupement.
Le document, qui porte le nom complet de Charte de la presse écrite de langue française en situation minoritaire au Canada, est né d’une série de situations isolées dans lesquelles des médias étaient perçus à tort comme de simples courroies de transmission du message des organismes œuvrant pour la francophonie au pays.
Ces événements ne sont pas nommés dans la Charte ou dans sa présentation, mais ils sont en filigrane de ce document soulignant l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité, la rigueur et l’équité demandées à ses signataires.
Le président de l’APF, Francis Sonier, se souvient d’un consultant de Terre-Neuve, l’automne dernier, engagé pour voir et analyser les organismes francophones de la province et qui avait recommandé que le journal Le Gaboteur soit davantage au service de la communauté. « Nous, ça nous a fait sourciller, raconte celui qui est aussi éditeur et directeur général de Acadie nouvelle, au Nouveau-Brunswick. Les journaux sont indépendants, et vont le demeurer. La Charte vise spécifiquement à protéger ça. On ne peut pas servir de messagers désignés pour une personne, un groupe ou un organisme en particulier. Il faut servir l’intérêt du public. »
Francis Sonier croit qu’il est possible, comme journal francophone en milieu minoritaire, de défendre le fait français tout en gardant une distance d’avec ses acteurs. « À Acadie nouvelle, comme dans plusieurs journaux, on va parler de santé en français, de droits linguistiques ; la francophonie en général nous intéresse. Mais ce n’est pas parce que ça nous intéresse qu’il faut être complaisant. Une francophonie qui ne se pose pas de questions, qui ne suscite pas de débats, qui n’a pas de discussions ou d’échanges, c’est une francophonie qui n’évoluera pas beaucoup. »
Adhésion
La Charte n’est pas un document qui remplace les règles internes des différentes rédactions du pays, mais plutôt « un complément », croit M. Sonier. Toutefois, « il y a des journaux plus petits qui parfois n’ont pas de politiques d’information, et ça leur donnera un document, des valeurs ». Un bouclier pour se protéger des influences extérieures, quoi.
Les 18 journaux de l’APF — dont Le Droit, La Liberté, Le Moniteur acadien, L’Eau vive et L’Express — ont voté pour la Charte. Même qu’il sera nécessaire de la parapher et de la respecter pour rester membre de l’APF. « Cette charte est un critère d’adhésion à l’APF », peut-on y lire.
« On ne jouera pas à la police pour voir si tout est fait dans chaque journal, explique Francis Sonier. Mais c’est dans nos règlements administratifs. » Il assure toutefois qu’il y a d’abord des discussions menées avec les conseils d’administration des journaux fautifs avant de sévir. « On comprend que les journaux vont travailler avec fierté en ayant la Charte en main. »
L’APF a aussi pris l’engagement de « soumettre la Charte à l’examen de ses membres à intervalles réguliers » pour que le document reste pertinent. Cette première version a d’ailleurs été soumise à une série de professeurs et d’experts spécialisés entre autres en éthique, en communication et en sociologie. « On voulait s’assurer que l’exercice n’était pas perçu comme une idée lancée comme ça, sans valeur. Les commentaires sont très favorables. »

Source : Le Devoir