En difficulté, "L'Humanité" appelle à un "soutien populaire"

mar 01, 2019

Le journal fondé par Jean Jaurès en 1904, en cessation de paiements, a lancé un appel à la mobilisation générale.
Le quotidien communiste L'Humanité, fondé en 1904 par Jean Jaurès, a lancé le 27 janvier un appel à la mobilisation générale : en cessation de paiements, il a demandé à ses lecteurs d'organiser un "soutien populaire et citoyen" pour l'aider à surmonter ses difficultés financières.
"Au moment où tant de débats et d'inquiétudes s'expriment sur les fabriques  de fausses nouvelles, laisser mourir L'Humanité reviendrait à affaiblir la presse de qualité et à assécher encore plus le débat contradictoire", plaide le directeur du journal, Patrick Le Hyaric, dans un appel publié dans les colonnes du journal.
Rappelant "l'engagement constant de L'Humanité aux côtés des travailleurs, des milieux populaires, des invisibles, des penseurs qui contestent le système, des créateurs qui portent haut la culture", il demande aux lecteurs de monter ''une mobilisation exceptionnelle'', via des actions comme des collectes de fonds, débats ou animations de rue, pour l'aider à sortir de l'ornière. Un meeting de soutien est d'ores et déjà prévu le 22 février à Paris.
Plaçant symboliquement le journal "sous protection populaire et citoyenne", Patrick Le Hyaric a estimé qu'"une grande bataille pour sauvegarder et développer L'Humanité doit s'engager", car "une des composantes historiques de la presse française ne saurait disparaître". La semaine dernière, comme l'a révélé l'hebdomadaire Marianne, le quotidien avait été contraint de se déclarer en cessation de paiements auprès du tribunal de commerce de Bobigny. Une audience s'y déroulera mercredi matin afin de trancher sur l'avenir du journal.

Un placement en redressement judiciaire

Une liquidation judiciaire n'est pas à l'ordre du jour. Patrick Le Hyaric a confirmé qu'il allait demander un placement du journal en redressement judiciaire avec poursuite d'activité, sans faire d'autres commentaires sur la situation du journal qui compte environ 200 employés.
Tiré à près de 50 000 exemplaires, le quotidien a vu ses ventes chuter en France de 6% en 2017-2018, à 32 700 exemplaires en moyenne. Cependant son nombre d'abonnés a progressé l'an dernier et les ventes en kiosque ont augmenté en novembre et décembre, faisant dire à son directeur qu'il "existe un chemin pour que vive et se développe L'Humanité".
Grâce à de précédents appels aux lecteurs, le journal a déjà pu collecter "plus d'un million d'euros" en quelques semaines, mais cela ne lui a pas permis d'enrayer la dégradation de sa trésorerie, a-t-il expliqué dans ses colonnes. En outre, "aucune banque n'a voulu à cette heure s'engager à nos côtés", tandis que les aides à la presse versées à L'Huma au titre du soutien aux quotidiens "à faibles ressources publicitaires" ont fondu depuis 2015, a affirmé Patrick Le Hyaric qui appelle l'État à augmenter ses aides.

Étroitement lié au Parti communiste

L'Humanité a été fondé en 1904 par Jean Jaurès, figure tutélaire du socialisme en France, qui l'avait conçu comme un moyen d'aider à fédérer les différentes familles de ce courant. En 1920, après le congrès de Tours qui marque le divorce entre socialistes et communistes, il devient le quotidien officiel du futur Parti communiste français (PCF). La rupture est consommée en 1921 quand la mention "journal socialiste", qui figure à sa Une, est remplacée par "journal communiste". Puis en 1923, sa une s'orne de la faucille et du marteau, et arbore désormais comme sous-titre "organe central du parti communiste".
Après des déboires financiers, déjà, dans les années 1920, les années 1930 sont une période faste pour le journal qui se vend à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires et devient un des quotidiens français de tout premier plan, jusqu'à son interdiction durant la deuxième guerre mondiale où il continue à paraître tant bien que mal sous le manteau.
À la Libération, ses ventes connaissent une nouvelle embellie, mais celles-ci entrent ensuite dans un long mouvement de déclin, similaire au destin électoral du PCF et lié aussi à la crise de la presse papier. En 1994, il cesse officiellement d'être l'"organe central" du PCF, même s'il reste étroitement lié au parti communiste, comme en témoignent des événements tels que la "fête de l'Huma", son festival en septembre en Seine-Saint-Denis. Et en 2008, le journal est contraint de se séparer de son siège construit par le célèbre architecte Oscar Niemeyer, à Saint-Denis.

Source : L’Express avec AFP