Au Vietnam, une loi sur la cybersécurité limite la liberté d'expression

aoû 02, 2018

Le nouveau texte voté le 12 juin permet au gouvernement vietnamien de notamment restreindre les libertés sur les réseaux sociaux. L'étau se resserre dans ce pays où aucune dissidence n'est tolérée.
C'était une des dernières fenêtres d'expression au Vietnam. Mais mardi 12 juin, le Parlement de Hanoï a voté une loi sur la cybersécurité qui va largement restreindre les libertés sur les réseaux sociaux, et permettre à l'État de surveiller ses citoyens.
Ce texte de loi, adopté à 91% par les parlementaires vietnamiens entrera en vigueur en janvier 2019. À partir de cette date, les plateformes du web seront contraintes de retirer sous 24 heures tous les commentaires considérés comme une menace à la «sécurité nationale», et seront dans l'obligation de stocker les informations personnelles et les données des utilisateurs. Elle interdit également tout discours qui «porte atteinte» au drapeau national, aux dirigeants ou aux «héros» nationaux.
«Actuellement, Google et Facebook stockent les données personnelles des utilisateurs vietnamiens à Hongkong et à Singapour», a expliqué à l'AFP Vo Trong Viet, le président de la commission défense et sécurité de l'Assemblée nationale. «Mettre des centres de données au Vietnam va augmenter les dépenses pour les fournisseurs de services ... mais c'est nécessaire pour répondre aux exigences de la cybersécurité du pays», a-t-il ajouté.

Une décision contestée par la rue
La nouvelle loi interdit également les appels aux rassemblements publics, alors que des manifestations ont eu lieu le week-end qui a précédé l’adoption du texte par le parlement dans la capitale et certaines villes de province. Des centaines de citoyens ont défilé dans les rues pour protester contre une autre loi prévoyant de créer une zone économique spéciale pour les investissements étrangers, craignant que celle-ci ne profite qu'aux investisseurs chinois. La loi sur la cybersécurité est également vue comme résultant de l'influence chinoise sur le pays, la Chine étant experte de la censure sur Internet.
Les dissidents politiques sont opprimés depuis des années au Vietnam, mais récemment, un nombre croissant de blogueurs ont été condamnés. «Dans ce pays très répressif, l'espace en ligne offrait un refuge relatif où les gens pouvaient partager leurs idées et leurs opinions avec moins de crainte de la censure», a regretté Clare Algar d'Amnesty International.
En avril dernier, six blogueurs et journalistes citoyens ont été condamnés à de lourdes peines de prison ou ont été exilés du pays lors d'un procès expéditif. En juillet 2017, la cyberdissidente antichinoise et défenseuse des droits de l'homme Tran Thi Nga a été condamnée à neuf ans de prison pour «propagande contre l'État».
En mars de la même année, l'étudiant Phan Kim Khanh a été condamné à six ans de prison pour avoir critiqué le régime à parti unique dans des vidéos de sa chaîne YouTube. Pham Minh Hoang, blogueur franco vietnamien, a été le premier dissident à être déchu de sa nationalité vietnamienne et expulsé du pays par le régime en 2017, pour ses articles publiés sur son blog traitant des questions politiques et sociales au Vietnam.

Un obstacle au développement économique
Cette loi restrictive va également avoir des conséquences économiques et impacter le développement digital du pays, assurent les grandes entreprises technologiques comme Facebook, Google et Twitter. «Malheureusement, ce texte va entraîner de sévères limitations pour l'économie numérique au Vietnam et risque de réduire les investissements étrangers et les opportunités des entreprises locales», a estimé Jeff Paine, haut responsable du groupe Asia Internet Coalition qui représente les intérêts des entreprises de haute technologie en Asie.
En 2017, le gouvernement vietnamien a ordonné à Facebook de retirer 159 comptes et YouTube a dû supprimer 4500 vidéos. Le Vietnam compte 93 millions d'habitants, dont plus de la moitié a accès à Internet. Le pays occupe la 175e place sur 180 dans le classement mondial de la liberté de presse 2017 de Reporters sans Frontières, juste devant la Chine.

Source : Le Figaro