La Société interaméricaine de la presse (IAPA) a averti lundi 7 octobre qu’Haïti est l’un des pays, en Amérique, où « la liberté de la presse continue d’être menacée » et nécessite une surveillance permanente.
Un journaliste a été tué en milieu d’année en Haïti et six autres ont été blessés au cours d’une flambée « alarmante » de violences, a indiqué l’organisation dans son rapport qui rassemble les conclusions de sa 75ème Assemblée Générale.
La situation s’est déclenchée avec la démission du Premier ministre Jean-Michel Lapin, qui n’a même pas pu être ratifié après avoir pris ses fonctions en mars, lorsqu’une motion de censure du Parlement a révoqué le chef du gouvernement de l’époque, Jean Henry Ceant.
À la place de Lapin, le président Jovenel Moise a nommé Fritz William Michel, mais un groupe de manifestants de l’opposition a occupé le Sénat haïtien la deuxième semaine de septembre pour empêcher la ratification du nouveau Premier ministre.
Les protestations maintiennent l’économie à moitié paralysée et les différends entre l’exécutif et le Parlement n’ont pas permis la formation d’un nouveau gouvernement.
Le rapport de l’IAPA fait allusion à Rospide Pétion, un travailleur de la radio locale Radio Sans Fin (RSF), décédé à Port-au-Prince le 10 juin, lors d’une manifestation réclamant la démission de Moise.
Pétion, qui rentrait chez lui dans son véhicule lorsqu’un individu non identifié l’a abattu, avait évoqué dans sa dernière émission des allégations de corruption contre Moise et une attaque dans laquelle trois véhicules de Radio Télé Ginen ont été incendiés.
Lors de cette escalade de violence, les journalistes Michel Dominique et Esdra Jeudy, collègues de Pétion à RSF, ont été blessés, tout comme le journaliste Richardson Jourdan de TNH et le photojournaliste du journal Le Nouvelliste Lesly Dorcin.
La station de Zenith FM a également été attaquée à main armée. Le 16 juillet, Kendi Zidor, éditorialiste du journal Le National et rédacteur en chef de la radio Solidarité, a été abattu alors qu’il conduisait son véhicule dans un quartier situé à l’est de Port-au-Prince.
Le 23 septembre, le sénateur Jean-Marie Ralph Fethiere, du parti au pouvoir, a tiré sur des manifestants devant le Parlement à Port-au-Prince et a blessé la photographe, Chery Dieu-Nalio, de l’agence Associated Press.
Après le meurtre de Pétion et les attaques constantes contre la presse, l’Association nationale des médias haïtiens (ANNH) et l’Association des médias indépendants d’Haïti (AMIH) ont exigé de la sécurité pour leurs collaborateurs et une totale liberté dans leur travail.
En outre, plus d’une année s’est écoulée sans que les autorités aient clarifié l’affaire de la disparition du reporter graphique Vladjimir Legagneur, malgré l’insistance de la famille de la victime, des médias nationaux et des organisations vouées à la défense de la liberté de la Presse et droits de l’homme.
Legagneur a disparu le 14 mars 2018 et la police n’a rapporté que la découverte d’un cadavre dans le quartier où le photoréporteur a été vu pour la dernière fois et a déclaré que le corps devrait être soumis à des tests d’ADN dont les résultats sont toujours en attente.
Depuis 2000, plus d’une douzaine de journalistes haïtiens ont été tués : en 2013, Georges Henry Honorat, responsable de l’hebdomadaire Haïti Progrès et Pierre-Richard Alexandre, correspondant d’une radio nationale; en 2012, Benson Roc, correspondant à la radio Contact FM, et Jean Liphète Nelson, directeur de la radio Boukman; en février 2011, le journaliste Jean Richard Louis Charles.
Le document de l’IAPA mentionne l’assassinat de Jean Dominique, le 3 avril 2000, et celui de Jacques Roche, retrouvé le 14 juillet 2005, après son enlèvement quatre jours plus tôt.
L’association évoque également l’assassinat du photographe indépendant Jean-Rémy Badio, le 19 janvier 2007; celui du radiodiffuseur François Latour, le 23 mai 2007, et celui d’Alix Joseph, directrice administrative et présentatrice de Radio-Télé Provinciale de Gonaives, le 16 mai 2007.