À quinze mois de la présidentielle, les arrestations, emprisonnements et harcèlement contre l’opposition, la société civile et des journalistes de l’opposition font désormais partie du quotidien des Ivoiriens.
Malgré le fait que la constitution ivoirienne garantisse la liberté d'expression et de la presse, le gouvernement impose depuis le mois de juin d'importantes restrictions à des leaders politiques.
C'est le président de la jeunesse du parti démocratique de Côte d'Ivoire, Valentin Kouassi, qui est aujourd'hui contraint au silence sous peine de sanctions. Et Bamba Moriféré, le président du Rassemblement du peuple de Côte d'Ivoire, qui a été convoqué puis traduit en justice. Tous les deux, après avoir animé des meetings.
On note aussi des interpellations et des gardes à vue de responsables de mouvements de la société civile et de journalistes.
Il y a de quoi s'inquiéter, selon un journaliste
Une situation qui scandalise ce collègue d'un journaliste interpellé mardi (23 juillet) devant le siège la commission électorale indépendante (CEI). Germain Sehouet rappelle que la liberté de la presse est l'un des principes fondamentaux du système démocratique.
"Je suis affligé au regard de tout ce qui se passe. Nous sommes un pays qui a connu des années de braise pour obtenir des libertés dont la liberté de presse et la liberté d'opinion. Mais malheureusement, on constate un recul. Les hommes politiques ne peuvent pas manifester, les journalistes ne peuvent pas s'exprimer comme il se doit. Donc il y a de quoi s'inquiéter. Où va ce pays ? Qu'est-ce que 2020 nous réserve ?''
On sent même une certaine peur parfois dans les rues du pays. Difficile de trouver des citoyens prêts à s'exprimer au micro.
Arrestation en direct
Cette jeune dame d'une trentaine d'année a accepté de nous répondre mais souhaite garder l'anonymat et s'en explique.
''J'ai vu par exemple un politicien qui faisait un direct et dans le direct même, ils sont venus l'arrêter chez lui à la maison. Donc là ça m'a suffi. Donc on préfère ne plus parler, se taire et puis observer.''
Pour Christophe Kouamé, de l'association d'éducation à la citoyenneté, à l'éco-citoyenneté, à la promotion et la défense des droits humains CIVIS-CI, le code pénal actuel de Côte d'Ivoire, promulgué le 19 juin dernier, légalise même les restrictions de la liberté de manifester.
"Les graines de l'explosion sociale sont en train d'être semées par le gouvernement ivoirien à travers ces restrictions de liberté", estime Christophe Kouamé.
Le spectre de 2011 plane sur le pays.
Les violences post-électorales de 2010-2011 ont fait 3000 morts en Côte d'Ivoire
Son inquiétude est partagée par Geoffroy Kouao, juriste et analyste politique.
''Il faut dire que ce sont des libertés constitutionnellement définies qui doivent être respectées. Malheureusement nous assistons depuis un certain temps à la violation de ces libertés. Ce qui est extrêmement regrettable et surtout à 15 mois de l'élection présidentielle de 2020. Ce sont des signes inquiétants, il faut dès maintenant tirer la sonnette d'alarme. Et dire que la liberté d'expression, la liberté de presse sont des libertés inhérentes à la vie démocratique. Il faut aussi éviter de tomber dans les travers du passé. Il y a lieu d'être inquiet et d'inviter les uns et les autres à la retenue.''
Selon le dernier classement mondial de la liberté de presse réalisé par Reporter sans frontières, la Côte d'Ivoire est passée de la 82ème à la 71ème place sur un total de 180 pays indexés.
Le gouvernement ivoirien, à travers son porte-parole Sidi Touré, s'est félicité de la performance, rappelant son attachement à la liberté d'opinion et d'expression garantie par l'article 19 de la constitution ivoirienne.
Source DW