L’ambition était forte. Les initiateurs de cette rencontre médias / citoyens entendaient qu’elle contribue « à trouver des solutions concrètes pour sortir de l’ornière et aider lecteurs, auditeurs, internautes et téléspectateurs à retrouver la confiance perdue ».
En ouverture de la soirée, Guillaume Goubert, le directeur de La Croix, a rappelé deux constats de l’année 2018 : une agressivité marquée l’égard des journalistes et un décrochage particulièrement fort de la confiance dans l’information, mesuré quelques jours plus tôt dans le baromètre annuel que publie le quotidien.
Pas d’agressivité mais beaucoup d’interrogations et de méconnaissance du métier du journaliste chez les quelques 150 personnes qui participaient à cette soirée. Une vingtaine de petits groupes se sont d’abord réunis en ateliers sur des thématiques comme « diversité et fiabilité des sources », « déontologie du journalisme » ou «informer en résumant». L’exercice était difficile : trois quart d’heures d’échange pour découvrir des questions complexes et dégager au moins une proposition sur des questions que des années de débats n’ont pas toujours tranché entre professionnels relève de la gageure. Mais tous ont tenté de la relever et des propositions ont été élaborées. Elles seront ensuite synthétisées et transmises au gouvernement, comme cela est prévu par les initiateurs du « Grand Débat ».
Il est apparu que la réalité du métier de journaliste, le processus de fabrication d’une information et les rouages des rédactions étaient ignorés ou peu connus des participants.
Les animateurs des groupes ont donc d’abord fait un travail d’explication – et il faut souligner ici l’engagement de la rédaction de La Croix, et dans une moindre mesure des équipes de Radio France pour l’animation de ces groupes de travail.
Les propositions qui ont été formulées traduisent les interrogations voire le malaise de ces « consommateurs d’information ». Elles méritent d’être entendues et méditées.
Le souhait d’une information moins stressante
Ainsi, plusieurs groupes ont souhaité que les journalistes et les médias « évitent toute polémique inutile », qu’il y ait dans les échanges « plus d’écoute et de courtoisie », même si les médias ne sont pas les seuls responsables de ce qui apparait comme « une hystérisation du débat public ». L’information en continu a fait l’objet de plusieurs suggestions : « ralentir son rythme », publier chaque jour à l’écran « le décompte du temps d’antenne consacré à chaque sujet ». D’autres ont suggéré que les médias « expliquent leur choix éditoriaux » à leur public dans des rubriques inter actives, qu’il y ait « plus de place pour les opinions contradictoires qui sortent de la doxa », que les journalistes « aillent sur le terrain en dehors de l’actualité chaude ». Le souhait d’une éducation aux médias à l’école et au collège est revenu dans plusieurs propositions – et il a semblé que ces parents ou grands-parents présents mardi à Montrouge ignoraient l’existence de la semaine de presse et des médias à l’école, dont la 30e édition aura lieu du 18 au 23 mars.
L’idée d’une structure chapeautant les médias a été plusieurs fois exprimée. Certains ont demandé, « la création d’un ordre des journalistes comme il en existe pour les avocats ou les médecins », d’autres qu’un organisme « enquête sur les stratégies des actionnaires des médias », ou attribue aux médias « un label sanctionnant la fiabilité des informations ». Toutes propositions qui traduisent une perte de repères – à qui se fier ? – et une demande d’écoute des médias par leur public.
Lors du débat général, il a été expliqué pourquoi un ordre des journalistes limiterait l’accès à une profession qui, en démocratie, doit rester ouverte, et serait un outil de contrôle des contenus alors que la commission de carte d’identité des journalistes ne se prononce que sur la réalité du travail de journaliste. Par contre, le projet d’un conseil de presse, tripartite, auquel le public pourrait s’adresser pour avoir un avis sur le respect des règles de déontologie a reçu un accueil positif de la salle, réservé en tribune.
Mais tous ont convenu que les journalistes ne pouvaient plus rester sourds aux critiques du public, et qu’ils devaient davantage mettre en pratique les trois vertus qu’on attend d’un journaliste, au-delà du respect de sa déontologie, selon l’animateur de la soirée Hervé Gardette : la loyauté, l’humilité et l’ouverture d’esprit.
Par Pierre Ganz (membre de l’Union de presse francophone)
Vice-président de l’ODI