Après avoir diminué le nombre d’exemplaires et de salariés entre 2019, le journal France Guyane pourrait disparaître dans les prochaines semaines au profit du numérique. Les rares salariés encore sur le terrain s’activent pour la pérennisation du journal papier et la sauvegarde de leurs emplois dans un département où la pluralité des médias est quasi-inexistante. La section de Guyane de l’Union internationale de la Presse francophone (UPF-Guyane) s’inquiète de la tournure des choses et apporte tout son soutien aux salariés du groupe France-Antilles Guyane. Depuis l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire visant la société FA Media Guyane le 25 juin 2019 par les juges du Tribunal Mixte de Commerce de Fort-de-France, de lourdes menaces de licenciement pèsent sur les 257 salariés de France Antilles-Guyane qui sont dans l’expectative concernant leur avenir. Entre 2014 et aujourd’hui, plus de 200 postes ont été supprimés. Le tirage est passé de 5000 à 2000 exemplaires en cinq ans. Le rachat du groupe France-Antilles Martinique, Guadeloupe et France-Guyane par Aude Jacques-Ruettard, petite fille du magnat de la presse Robert Hersant qui avait fondé la structure en 1964, devait donner un nouveau souffle au journal : maintenir et développer aux Antilles-Guyane une presse quotidienne régionale modernisée et de grande qualité éditoriale, et préserver les emplois. Mais que nenni. Deux ans après, toute perspective d’embauche tombe à l’eau depuis la mise en liquidation du journal en août 2019 par AJR Participations, le groupe de sept sociétés que dirige Aude Jacques-Ruettard sur la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe. La date limite de dépôt des offres est fixée au vendredi 13 septembre 2019 à 12 heures. Les candidats pourront améliorer les offres jusqu’au jeudi 26 septembre 2019. HILDEGARDE SAS, CARIBBEAN ACTIVE broadcast, OCTOPUS NETWORK SAS, ALIZES TV, TRACE GLOBAL, MEDIAS DU SUD, PRIM SAS, et Hubert PEDURAND-projet de SCOP) sont les 8 sociétés intéressées par l’acquisition en partie ou en totalité du groupe. Rien de concret n’a débouché de la Visio conférence du 28 août entre les délégués du personnel, les administrateurs judiciaires et la direction. Le 1er octobre, les élus du personnel des 7 sociétés de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane se retrouveront au tribunal de commerce de Fort-de-France pour argumenter leurs choix sur les différentes offres. Fin du journal papier en Guyane ?
A l’imprimerie les salariés sont en attente
Concernant le journal France-Guyane, les salariés se disent très inquiets suite à « l’annonce farfelue d’élimer tout simplement la presse papier en Guyane au profit du numérique. Un véritable scandale sans non qui mettra au chômage les 10 salariés de l’imprimerie sans compter le nombre de suppression d’emplois au niveau de l’administration et de la rédaction » regrette un journaliste. De nombreux élus et beaucoup de lecteurs sont farouchement opposés à la disparition du journal papier, seul organe d’information écrite en Guyane. Ainsi depuis plusieurs semaines, les salariés, en plus de leurs tâches quotidiennes, se battent pour sauvegarder un pan du patrimoine guyanais qui informe les lecteurs depuis des décennies. Les élus, les entreprises privées, le monde associatif, les corps constitués, les médias ont été sollicités pour les aider dans leur combat. L’union internationale de la presse francophone de Guyane accompagne les échanges régulièrement. Les journalistes de l’association sont solidaires avec les confrères de France Guyane et de France Antilles dans leur lutte quotidienne. Ils espèrent continuer à travailler aux côtés de leurs confrères, à lire le journal sur les différents supports et participer à la sauvegarde de ce journal qui constitue un vrai pan du patrimoine de Guyane et des Antilles. Toujours dans sa dynamique de défense des intérêts des journalistes et de la pluralité des médias sur tous les territoires, l’UPF Guyane appelle les partenaires à tout mettre en œuvre pour pérenniser la parution des journaux de France Guyane, France Guadeloupe et de France-Antilles-Martinique sur les différents supports dans leurs territoires respectifs. Les confrères de France Guyane, de Martinique et de Guadeloupe sont reconnus pour leur professionnalisme, leur implication dans le travail. Grâce à leurs reportages, la pluralité de l’information et le droit d’expression aux Antilles Guyane a un sens face au développement des fake news sur les réseaux sociaux. Priver les lecteurs de leurs journaux plus que cinquantenaires avec des professionnels aguerris à la manette n’est pas concevable. Les journalistes des journaux FA recueillent les informations sur tous les sujets, les mettent en perspective avant de les diffuser. C’est un travail de longue haleine au service du grand public qui est plus que nécessaire dans des territoires où la connexion internet est encore balbutiante. Réactions des politiques Des politiques ont, eux aussi, attiré l’attention des décideurs et des investisseurs sur la situation difficile que traverse les journalistes et les salariés de la seule presse d’information quotidienne en Guyane. Antoine Karam, sénateur de la Guyane a interrogé Franck Riester ministre de la culture : « La Guyane ne peut envisager un avenir sans presse papier quotidienne et je ne veux surtout pas croire que la population soit ainsi condamnée à un retour en arrière aussi dévastateur pour le territoire. Dans ce contexte, Monsieur le ministre pouvez-vous me préciser les engagements que vous comptez prendre pour venir en aide à la presse locale guyanaise pour que notre unique quotidien ne disparaisse pas ? » Rodolphe Alexandre président de la collectivité territoriale de Guyane a écrit aux responsables de la société et aux administrateurs judiciaires : « Le quotidien France Guyane représente depuis une cinquantaine d’années l’un des principaux accès à l’information pour bon nombre de Guyanaises et de Guyanais… ce quotidien, unique organe de presse quotidienne régionale joue toujours indubitablement et jusqu’à aujourd’hui un rôle essentiel dans la vie d’un grand nombre de personnes qui ne souhaitent ou ne peuvent tout simplement pas, faute de connexion, s’informer via internet en consultant notamment la version numérique du journal. » Texte et photos : Frantz Montoban, président de l'UPF-Guyane