L’ONG Reporter sans frontière a recensé en un an plus de 60 cas de violations des droits, allant de l’assassinat au cyberharcèlement.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce dans un rapport rendu public lundi 5 mars et intitulé « Droit des femmes : enquêtes interdites », les risques pris par les journalistes qui enquêtent sur les droits des femmes dans le monde.
Entre 2016 et 2017, l’organisation non gouvernementale a recensé plus de 60 cas de violation des droits des journalistes répartis dans plus d’une vingtaine de pays, en raison d’enquêtes ou de reportages sur la condition des femmes. Depuis 2012, ce sont 90 exactions qui ont été dénombrées, des chiffres « bien en deçà de la réalité en raison de la peur et de la résignation de certains au point de ne pas communiquer », souligne l’ONG.
Dans 12 % des cas étudiés, les journalistes ont été tués, selon RSF, qui relate notamment les cas de la Mexicaine Miroslava Breach, assassinée en 2017 alors qu’elle couvrait depuis des années les agissements de la pègre locale et notamment les féminicides de Ciudad Juarez, et celui de l’Indienne Gauri Lankesh, rédactrice en chef d’un magazine laïc et féministe, abattue par deux hommes à moto. « Des inqualifiables assassinats commis dans une totale impunité », s’alarme l’ONG.
Les autres dangers qui guettent ceux qui enquêtent sur le droit des femmes : les emprisonnements (13 % des cas), les agressions (28 %) et la cyberviolence (43 % des cas).
Les attaques en ligne visent spécifiquement les journalistes femmes
Le cyberharcèlement est ainsi « l’exaction la plus fréquente subie par les journalistes traitant de la cause féminine. Ce fléau est un phénomène qui n’a aucune frontière, qui touche les pays pauvres tout comme les plus démocratiques », souligne RSF, qui a repéré de nombreux cas en Inde, aux Etats-Unis et en France.
Ces attaques en ligne ciblent exclusivement les journalistes femmes, contrairement aux autres exactions. « Ces cabales en ligne, qui profitent de la viralité des réseaux sociaux, constituent aujourd’hui une menace pour les journalistes à prendre très au sérieux », estime l’ONG.
En France, Reporters sans frontières revient sur le cas de la journaliste d’Europe 1 Nadia Daam, cible d’une intense campagne de cyberharcèlement, avec menaces faites à sa famille et tentative d’intrusion à son domicile, pour avoir dénoncé le sabotage du numéro de téléphone « anti-relous » destiné à aider les femmes victimes de harcèlement. Aux Etats-Unis, les journalistes traitant de la question de l’avortement sont régulièrement la cible de cyberharcèlement, regrette le rapport.
RSF fait une trentaine de recommandations dans son rapport, demandant notamment aux Etats de lutter contre l’impunité liée à ces violences et aux institutions des Nations unies de prendre en compte les dangers spécifiques auxquels les journalistes travaillant sur le droit des femmes sont exposés, en particulier les femmes journalistes.
Du côté des responsables de ces violences, RSF cite les groupes religieux, les organisations criminelles et les gouvernements autoritaires (Chine, Turquie et Egypte en tête).
Source : Le Monde