Qui possède les médias en France ? Cette question apparemment simple s’avère beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît selon les résultats d’une recherche initiée par RSF en partenariat avec Julia Cagé. L’étude met en effet au jour pour l’ensemble des médias d’information, la liste de leurs actionnaires ainsi que le secteur d’activité de ces derniers. Ce travail a été mené à partir de données collectées entre décembre 2015 et août 2016. Il fait émerger les grandes tendances qui caractérisent actuellement le paysage médiatique français et plaide pour une cartographie de l’actionnariat accessible au public.
La concentration croissante du secteur des médias n’est pas synonyme de clarté : en effet, il ressort de cette étude que la complexité et le manque de transparence sont deux caractéristiques de l'actionnariat des médias en France
Autre élément : en France, 51% des médias sont contrôlés par des actionnaires issus du secteur de la finance et de l’assurance, qui ont mis en place des structures de contrôle complexes et opaques rendant difficile l’identification de l’actionnaire final
Ces actionnaires issus du secteur de la finance et de l’assurance sont trois fois plus nombreux que les actionnaires issus du secteur de l’information et de la communication, qui eux ne détiennent que 18% du secteur
Les médias tendent à être possédés par des entreprises et très peu par des individus. Les grandes “familles” qui ont longtemps possédé des médias les ont petit à petit cédés au cours des dernières décennies.
Si l’on considère la presse écrite ou les médias en ligne et qu’on exclut l'audiovisuel, on note que les institutions publiques notamment l’Etat, tiennent une place très minoritaire dans le capital des médias d’information français (1% seulement de ce capital).
En France, le nombre moyen de rangs d’actionnariat pour la presse écrite et en ligne est de 2,5 et les médias se caractérisent par 6 nœuds d’actionnaires : on entend par “rang”, le nombre d’intermédiaires entre le média et l’actionnaire final (il existe des actionnaires de rang 1 puis de rang 2. La complexité de l’actionnariat est elle capturée par le nombre total de « nœuds » définissant cet actionnariat. Un grand nombre de nœuds à un niveau d’actionnariat donné peut simplement témoigner du pluralisme de l’actionnariat : de nombreux actionnaires possédant chacun une petite part du capital.
L’étude rappelle qu’en France, l'ordonnance du 26 août 1944 du Conseil national de la Résistance rendait obligatoire la publication sur chaque exemplaire de journaux du nom des actionnaires et de leur profession. Ces règles n’ont jamais été appliquées. Un changement a minima a été apporté avec la loi du 4 novembre 2016 “visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias” dont l’article 19 stipule “Chaque année, l'entreprise éditrice doit porter à la connaissance des lecteurs ou des internautes de la publication ou du service de presse en ligne toutes les informations relatives à la composition de son capital, en cas de détention par toute personne physique ou morale d'une fraction supérieure ou égale à 5 % de celui-ci, et de ses organes dirigeants. Elle mentionne l'identité et la part d'actions de chacun des actionnaires, qu'il soit une personne physique ou morale. “Il s’agit d’une première étape importante, mais encore insuffisante car la “profession” des actionnaires n’est pas portée à la connaissance du public. En conséquence, l’actionnariat des médias étant extrêmement mouvant, les auteurs plaident pour la création d’une cartographie en temps réel détaillant l’actionnariat des grands médias et accessible au grand public.