Alors que le pays est le théâtre d’un mouvement de contestation populaire sans précédent, les autorités ont refusé de renouveler l’accréditation du journaliste. Le directeur de l’Agence France-Presse (AFP) à Alger, Aymeric Vincenot, a été expulsé par les autorités algériennes, qui ont refusé de renouveler son accréditation pour 2019, mardi 9 avril. Cette expulsion survient alors que l’Algérie est le théâtre d’un mouvement de contestation populaire sans précédent ayant contraint le président, Abdelaziz Bouteflika, d’abord à renoncer à sa candidature à un cinquième mandat, puis à démissionner, le 2 avril. M. Vincenot, 45 ans, en poste à Alger depuis juin 2017, a dû quitter l’Algérie le 9 avril au soir au terme de l’ultime délai qui lui avait été accordé par la police à l’expiration de son titre de séjour. « Cette décision prise sous la présidence de M. Bouteflika est inacceptable. Il n’est pas question pour nous, dans ces conditions, de nommer dans l’immédiat un nouveau directeur à Alger, a réagi le PDG de l’AFP, Fabrice Fries, dans un communiqué. En nous privant de chef de poste sur place, cette décision porte gravement atteinte à notre dispositif, qui vise à assurer une couverture exhaustive et rigoureuse des événements historiques qui se déroulent actuellement en Algérie. » M. Fries a toutefois souligné que l’AFP « ne renonçait pas pour autant » à poursuivre cette couverture des événements en Algérie, où elle a pu dépêcher plusieurs envoyés spéciaux ces dernières semaines. L’agence continuera de déposer des demandes de visa pour d’autres journalistes, a souligné son PDG. Le chef du bureau de l’AFP, dont le titre de séjour en Algérie était arrivé à échéance le 28 février, n’avait plus d’accréditation depuis la fin de l’an dernier. La demande de renouvellement de sa carte de presse pour 2019, document qui conditionne l’obtention d’un permis de résidence, est restée sans réponse officielle, malgré les efforts de l’AFP pour obtenir des explications. Les autorités algériennes n’ont jamais notifié officiellement la direction de l’agence de leur décision et de ses raisons. Elles ont simplement fait état oralement, lors de la visite à Alger d’un responsable de l’agence, en mars, de divers griefs, portant notamment sur la couverture de l’actualité algérienne et de l’état de santé de M. Bouteflika par le chef du bureau de l’AFP, sans toutefois apporter la moindre preuve d’une faute de sa part. En outre, M. Vincenot n’a jamais eu la possibilité de répondre. Fin mars, un envoyé spécial de l’agence Reuters, le journaliste tunisien Tarek Amara, avait été expulsé d’Algérie, où il couvrait depuis plusieurs jours les manifestations contre le régime. Les autorités n’avaient fourni aucune explication. Reuters avait de son côté affirmé que son journaliste disposait d’une accréditation pour exercer en tant qu’envoyé spécial. Quelques semaines plus tôt, une dizaine de journalistes algériens avaient été arrêtés et détenus durant plusieurs heures après avoir participé à un rassemblement visant à dénoncer les pressions subies et les restrictions à la couverture du mouvement de contestation « imposées par [leur] hiérarchie ». RSF avait condamné ces interpellations et « l’intervention brutale des forces de l’ordre ». Dans son communiqué, Fabrice Fries a tenu à exprimer « la solidarité » de l’AFP « envers les journalistes algériens, qui font courageusement leur métier dans des conditions particulièrement difficiles ». Source : Le Monde
mai 27, 2019