Un texte défendu par le ministre Reynders vise, dans son article 22, à sanctionner pénalement toute personne divulguant une information classifiée.
En pleine campagne électorale 2019, il arrivait encore au gouvernement Michel de se réunir en Conseil des ministres. Depuis le départ de la N-VA, on était en affaires courantes. Mais cela n’a pas empêché le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR) de faire approuver le 3 mai dernier un « avant-projet de loi relatif à la classification », en première lecture. Puis d’envoyer ce texte, pour avis, au Conseil d’Etat.
Ce projet n’a pas encore été rendu public. Seul un résumé peu digeste est disponible sur le site officiel du Conseil des ministres. En revanche, l’avis remis fin juin par le Conseil d’Etat est disponible. Et un passage surprend…
On y apprend que le texte défendu par le ministre Reynders vise, dans son article 22, à sanctionner pénalement toute personne divulguant une information classifiée. « Les personnes qui ne sont pas titulaires d’une habilitation de sécurité et qui rendent publiques des informations classifiées (…) sont passibles d’une amende de cent euros à cinq mille euros ».
Faut-il en déduire qu’un journaliste ou un lanceur d’alerte, qui révélerait des informations classifiées (par exemple sur la sûreté nucléaire) pourrait être poursuivi ? C’est ce qui semble inquiéter le Conseil d’Etat. « Conçue de manière aussi large, cette incrimination pourrait (…) soulever des difficultés au regard (du) droit à la liberté d’expression et d’information ». Deux droits fondamentaux, consacrés par l’article 10 de la Convention des droits de l’homme, écrit la juridiction.
Le Conseil d’Etat propose dès lors d’ajouter un paragraphe, qui consacrerait clairement le « droit de révéler publiquement une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale, à condition que celui qui diffuse l’information classifiée ait agi dans le but de protéger l’intérêt public général ».
… qui fait bondir Ecolo
Ce projet reyndersien inquiète Cécile Thibaut, députée fédérale Ecolo. « Il s’agit clairement d’une attaque contre la liberté de la presse mais aussi contre la possibilité pour des donneurs d’alerte d’alerter l’opinion publique sur des faits potentiellement graves. On voudrait museler ou impressionner la presse ou empêcher dans le futur de nouveaux Leaks qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! En ce sens, les écologistes ne peuvent que se réjouir que le vote du texte n’ait pu aboutir avant la fin de la législature fédérale. Mais leur vigilance sera totale pour empêcher le vote d’une telle disposition par une majorité de circonstance, par exemple avec le soutien de la N-VA ou d’autres partis ».
Au cabinet Reynders, le ton se veut plus rassurant. « L’avant-projet doit être retravaillé et présenté en seconde lecture au Conseil des Ministres, avant tout dépôt au Parlement. La question de l’article 22 – qui n’est en rien l’objet principal du projet – sera bien entendu examinée à la lueur des avis et propositions de solutions qui ont été formulées », notamment par le Conseil d’Etat.
Source : Le Soir