Liberté de la presse En Afghanistan, les journalistes rattrapés par les violences et les menaces

sep 10, 2021

Au moins deux reporters ont été arrêtés et passés à tabac par les talibans alors qu’ils couvraient une manifestation de femmes, mercredi à Kaboul.

Quatre heures de calvaire. Arrêtés car ils filmaient une manifestation de femmes qui défendaient leur droit à étudier et travailler, Taqi Daryabi, photographe de 22 ans, et Nematullah Naqdi, caméraman de 28 ans, tous deux Afghans et journalistes pour le quotidien Etilaat Roz («Jour d’info»), ont été retenus pendant quatre heures dans un commissariat de Kaboul, mercredi. Là, ils ont été frappés à coups de pied, de bâton, de tuyaux ou de câble, selon le récit qu’ils en ont fait à l’AFP.

«J’ai cru qu’ils allaient me tuer», a précisé Nematullah Naqdi. Après avoir été libérés par les talibans, les jeunes gens ont été pris en charge à l’hôpital, où un médecin leur a conseillé deux semaines de repos. Sur les réseaux sociaux, des photos de leurs corps couverts d’ecchymoses témoignent de la brutalité dont ils ont été victimes.

14 arrestations en deux jours

Trois autres reporters d’Etilaat Roz qui s’étaient rendus dans un commissariat pour demander la libération de leurs collègues ont à leur tour été arrêtés, puis relâchés quelques heures plus tard. Au total, selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ), au moins quatorze professionnels des médias ont été incarcérés par les talibans sur les seules journées de mardi et mercredi. Signe de la dégradation rapide des conditions d’exercice de la profession sous le nouveau régime taliban, le gouvernement a interdit mercredi «jusqu’à nouvel ordre» les manifestations et a demandé aux médias de ne plus les couvrir.

«Les talibans nous avaient assuré qu’ils respecteraient la liberté de la presse, mais c’était absurde. Il ne faut pas rêver : ce n’est pas du tout leur manière de fonctionner», souligne Anthony Bellanger, le secrétaire général de la FIJ, qui décrit «un cauchemar». «Il y a une volonté de faire taire les voix critiques et les journalistes vont en prendre plein les dents», observe le responsable syndical, qui s’attend à ce que les talibans interdisent à l’avenir les médias non gouvernementaux.

Parmi tous les journalistes présents en Afghanistan, les femmes sont les plus vulnérables. Début mars, trois salariées d’une chaîne de télévision privée ayant entre 18 ans et 20 ans ont été abattues par un homme armé. L’attaque a été revendiquée par l’organisation Etat islamique. Avec l’arrivée au pouvoir des talibans, les femmes, victimes d’intimidations et de violences, ont déserté massivement les rédactions. Sur les 700 femmes journalistes que comptait Kaboul au 15 août, moins de 100 seraient encore en activité, selon l’ONG Reporters sans frontières (RSF).

Libération