"Il faut faire autrement, face à l'infobésité et à la rupture de confiance envers les médias"

oct 21, 2020

Focus sur la Semaine de l'Info Constructive qui a lieu jusqu’au vendredi 25 octobre et qui propose aux médias francophones de travailler autour d’une thématique "généraliste" commune, qui permettra à chacun d'y participer dans le respect de ses choix éditoriaux : les mutations.

 

L'information est mise à mal ces derniers temps : la crise du Covid, l'omniprésence des réseaux sociaux, la remise en cause des médias traditionnels par la population... Mais cela n'empêche pas les journalistes et les rédactions de continuer à travailler et à se remettre en question. A quoi sert l'info constructive ?
Réponses avec Yasmine Boudaka, coordinatrice de News6, à l'initiative de cette Semaine de l'Info constructive.

Un journalisme 'autrement'

"Le journalisme constructif, c'est un journalisme qu'on dit 'autrement'. C'est celui que nous connaissons tous, mais avec une dimension en plus, qui est : qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Au-delà du constat que l'on pose lorsqu'on traite un fait, on va un peu plus loin et on se pose la question des perspectives et des solutions. Face à un problème, y a-t-il déjà autour de nous des pistes de réflexion en cours, des solutions en vue ? On les analyse aussi et on les traite en même temps que l'information."

Le journalisme constructif, c'est aussi une vision à 360° de l'info. Dans les médias, on se focalise sur le côté anxiogène. News6 prône une représentation plus équilibrée du monde qui nous entoure, car il y a aussi des choses qui vont bien. Le tout est de proposer un équilibre dans les lignes éditoriales.

Beaucoup de médias pratiquent déjà ce journalisme de solution, sans le nommer. Une grosse expérience est menée en France autour du journalisme constructif, c'est Nice Matin, un média local. Pour retrouver l'adhésion du public, un onglet 'solutions' a été proposé en ligne, par abonnement. On s'est rendu compte que cela attirait le public et que l'info, avec une dimension de perspective et de solutions, générait beaucoup plus de clics que les infos factuelles, que les commentaires étaient plus vertueux. L'offre digitale a par ailleurs tapé dans l'oeil des annonceurs, ce qui a permis au journal de proposer une version papier en plus de ce qui était, à la base, virtuel.

Une époque de mutations

News6 propose donc aux médias francophones de participer à l'opération via la publication d'un sujet sur cette information constructive. La thématique généraliste choisie cette année, 'les mutations', permet à chaque média de s'en emparer en fonction de ses publics, de sa ligne éditoriale.

"Ce sujet des mutations est inévitable en quelque sorte, puisque nous vivons une époque assez atypique. L'idée est de voir ce qui va ressortir de cette période comme comportements, qui pourraient perdurer dans notre manière de vivre", explique Yasmine Boudaka.

L'information est encore plus anxiogène que d'habitude, la méfiance est grandissante à l'égard des médias traditionnels, sans compter la prolifération de la désinformation. C'est donc le bon moment de se questionner sur ce que doit être une information constructive.

Des associations existent en France depuis 15 ans pour sensibiliser sur le sujet, aux Etats-Unis également. Le questionnement se répand depuis un an ou deux au sein des médias : il faut faire autrement, il faut faire quelque chose, face aux défis de l'infobésité, de la rupture de confiance.

On arrive à un momentum où il faut faire quelque chose et le journalisme constructif est vraiment l'une des pistes qui peut renouer cette confiance entre public et médias.

Un impact évident

Le travail porte ses fruits : les médias commencent à faire évoluer leur contenu vers plus de journalisme constructif.

"On le voit. Quand on a créé l'asbl il y a deux ans, on était taxé de bisounours. On confondait info constructive et info positive. La bonne nouvelle, ce n'est pas du tout le message qu'on veut faire passer.
On voit que maintenant, les portes des rédactions s'ouvrent, on réfléchit ensemble à comment faire du vraiment constructif, pas la bonne nouvelle, mais la démarche constructive. Elle percole et entre dans les différentes rédactions. Notre démarche à nous est vraiment d'initier la réflexion au sein des rédactions"
, souligne Yasmine Boudaka.