Audiences en extradition : Pour obtenir Assange, Washington conteste le risque de suicide
Devant la justice britannique qui examine leur demande d’extradition de Julian Assange, les États-Unis ont contesté mercredi les risques de suicide et cherché à rassurer sur le traitement qui serait réservé au fondateur de WikiLeaks s’il leur était remis.
Poursuivi pour une fuite massive de documents américains classifiés, l’Australien de 50 ans risque 175 ans de prison aux États-Unis dans une affaire qualifiée par ses soutiens de dangereuse attaque contre la liberté de la presse.
Au cours d’une audience prévue pour durer jusqu’à jeudi, les États-Unis espèrent convaincre la Haute Cour de Londres d’annuler la décision rendue en janvier dernier par Vanessa Baraitser. La magistrate avait rejeté leur demande d’extradition, avançant un risque de suicide en cas d’incarcération dans une prison américaine.
Au premier jour des débats, l’avocat représentant le gouvernement américain, James Lewis, a assuré que Julian Assange ne présentait « aucun antécédent de maladie mentale grave et durable », affirmant que même les experts mandatés par sa défense ne le trouvaient que « modérément déprimé ».
Il a affirmé que l’Australien avait « toutes les raisons d’exagérer ses symptômes » et mis en garde contre une décision reposant sur des prédictions faites dans une « boule de cristal » concernant son sort en cas d’extradition.
L’avocat a insisté sur les assurances données par Washington : d’une part, Julian Assange recevrait les soins psychologiques nécessaires, d’autre part il ne serait ni soumis à des mesures spéciales ni détenu dans le redouté centre pénitentiaire de très haute sécurité ADX Florence, dans le Colorado, surnommé l’« Alcatraz des Rocheuses ».
La défense de Julian Assange a répliqué que ces assurances n’empêchaient pas qu’il soit incarcéré dans un établissement similaire et répété que les États-Unis ne disposaient d’aucune « base fiable » pour revenir sur le refus d’extradition.
Détenu depuis deux ans et demi à la prison de haute sécurité de Belmarsh, à l’est de la capitale britannique, après sa longue réclusion volontaire à l’ambassade d’Équateur, Julian Assange a participé à l’audience à distance, par visioconférence.
« Très maigre »
Julian Assange se trouve sous le coup de poursuites entamées pendant la présidence de Donald Trump. Sous son prédécesseur Barack Obama, dont Joe Biden était le vice-président, la justice américaine avait renoncé à poursuivre le fondateur de WikiLeaks.
Celui-ci est poursuivi pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan.
Il a été arrêté par la police britannique en avril 2019 après avoir passé sept ans à l’ambassade d’Équateur à Londres, où il s’était réfugié alors qu’il était en liberté sous caution. Il craignait une extradition vers les États-Unis ou la Suède, où il a fait l’objet de poursuites pour viol, depuis abandonnées.
L’enjeu est de savoir si la justice britannique « va extrader un journaliste vers le pays qui a comploté pour l’assassiner », a estimé avant l’audience Stella Moris, la compagne de Julian Assange, « très inquiète » après l’avoir vu « très maigre » en prison samedi.
« J’espère que la cour va mettre fin à ce cauchemar », a-t-elle déclaré en présence de plusieurs dizaines de partisans de l’Australien rassemblés devant la Haute Cour.
« Il n’a rien fait de mal du point de vue légal, éthique ou moral », a estimé Sadia Koknie, une manifestante de 40 ans interrogée par l’AFP. « Il a été incarcéré dans des conditions répugnantes. […] Il ne devrait pas être là. »
La justice britannique a accepté d’examiner l’appel américain en particulier parce que la fiabilité d’un expert qui avait témoigné en faveur d’Assange a été mise en cause. Le psychiatre Michael Kopelman avait en effet reconnu avoir trompé la justice en « dissimulant » le fait que son client était devenu le père de deux enfants pendant qu’il était cloîtré à l’ambassade d’Équateur.
Après les deux jours d’audiences, la décision sera mise en délibéré à plusieurs semaines.
Cet appel constitue l’un des derniers recours pour Washington, qui, en cas de nouvelle défaite, n’aurait plus comme possibilité que de saisir la Cour suprême britannique, sans garantie que celle-ci accepte.
Si les États-Unis obtenaient gain de cause, l’affaire serait pour autant loin d’être terminée : elle serait alors renvoyée devant un tribunal amené à trancher de nouveau.
AFP