Algérie : lourde condamnation pour Khaled Drareni, qui reste en détention

sep 07, 2020

Le journaliste algérien avait été condamné en août à trois ans de prison pour notamment «atteinte à l'unité nationale».

Incarcéré depuis le 29 mars, le journaliste algérien Khaled Drareni a été condamné mardi en appel à deux ans de prison, ce qui signifie qu'il reste en détention, selon l'un de ses avocats, Mustapha Bouchachi. «Deux ans de prison ferme pour Drareni. Nous allons faire un pourvoi en cassation», a déclaré à l'AFP Me Bouchachi.

«Son maintien en détention est la preuve d'un enfermement du régime dans une logique de répression absurde, injuste et violente», a réagi Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans Frontières (RSF), dont Khaled Drareni est le correspondant en Algérie. Le journaliste, âgé de 40 ans, a été arrêté après avoir couvert le 7 mars à Alger une manifestation d'étudiants.Il est aussi accusé d'avoir critiqué sur Facebook «la corruption et l'argent» du système politique et d'avoir publié le communiqué d'une coalition de partis politiques en faveur d'une grève générale, selon RSF.

Lors du procès en appel, il y a une semaine, le procureur a requis -comme en première instance- quatre années de prison ferme contre le fondateur du site d'information en ligne Casbah Tribune, qui est également le correspondant en Algérie pour la chaîne de télévision française TV5 Monde et pour l'ONG Reporters sans frontières (RSF). Le journaliste, âgé de 40 ans, a été arrêté après avoir couvert le 7 mars à Alger une manifestation d'étudiants. Il est aussi accusé d'avoir critiqué sur Facebook «la corruption et l'argent» du système politique et d'avoir publié le communiqué d'une coalition de partis politiques en faveur d'une grève générale, selon RSF. Le ministre de la Communication Ammar Belhimer, porte-parole du gouvernement, lui reproche en outre d'avoir travaillé sans jamais avoir eu de carte de presse professionnelle.

Khaled Drareni a été jugé en compagnie de Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, deux figures du «Hirak», le soulèvement populaire qui a secoué l'Algérie pendant plus d'un an jusqu'à sa suspension à la mi-mars en raison de la crise sanitaire. Né en février 2019 d'un immense ras-le-bol des Algériens, le «Hirak» réclame un profond changement du «système» en place depuis l'indépendance en 1962. Sous le coup des mêmes chefs d'accusation, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche ont bénéficié le 2 juillet d'une remise en liberté provisoire, alors que Khaled Drareni a été maintenu en prison. Le procureur a également requis quatre ans de prison ferme contre eux.

 

Pendant le procès en appel, au cours duquel il est apparu amaigri, le journaliste a catégoriquement rejeté les accusations portées contre lui. «Je suis un journaliste et non un criminel. Je n'ai fait que mon métier», a-t-il plaidé. Dans un communiqué, RSF a dénoncé lundi «les pressions et les tentatives de corruption» dont ce journaliste expérimenté a été la cible.

Campagne de solidarité

Khaled Drareni est soutenu par une campagne de solidarité tous azimuts, d'Alger à New York en passant par Paris et Genève. Les comités de soutien au journaliste, en Algérie et à l'étranger ont réclamé sa libération «immédiate et inconditionnelle» en raison de son état de santé «particulièrement préoccupant», selon RSF. Lundi, pour la quatrième semaine consécutive, des journalistes, avocats, militants, ex-détenus et proches de Khaled Drareni se sont retrouvés à la Maison de la Presse à Alger pour réclamer sa libération. «On espère vraiment que demain sera le verdict de la délivrance», a déclaré à l'AFP un sympathisant, Ryad Bendal, un publicitaire de 42 ans.

Le procès de Khaled Drareni s'inscrit dans un contexte de répression accrue à l'encontre de militants du «Hirak», d'opposants politiques, de journalistes et de blogueurs. Certains journalistes ont été accusés par le régime de semer la discorde, de menacer l'intérêt national et surtout d'être à la solde de «parties étrangères». Plusieurs sont en prison et des procès sont en cours. «Il est important de continuer la mobilisation, y compris la pression médiatique vis-à-vis des autorités judiciaires mais aussi politiques pour qu'ils comprennent que nous ne lâcherons pas», a déclaré lundi à l'AFP Hakim Addad, un activiste du «Hirak».

L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a perdu cinq places par rapport à 2019 (141e) et 27 par rapport à 2015 (119e). Selon le Comité national de libération des détenus (CNLD), quelque 45 personnes sont actuellement derrière les barreaux pour des faits liés à la contestation.

 

Le Figaro